Le carrefour des possibles
Dans le pâle petit matin, alors que la cafetière glougloute dans la cuisine, une couverture
jetée sur les épaules, je m’installe à la table en bois (une antiquité récupérée dans un vide grenier), j’allume mon ordinateur et m’attelle à la tâche : rédiger la préface du programme du
festival du livre de Guérande.
Voici la force de l’écrit. En quelques lignes, le décor est planté et pour vous s’invoquent des parfums, des sensations, une luminosité. Mieux, ces quelques lignes suggèrent beaucoup sur l’identité de son auteur : son milieu, son habitat, son travail, ses goûts. Un mot suffit à faire naître des suppositions, malgré vous, sans y prendre garde.
De la télépathie, en somme. MON esprit imagine la table en bois, j’écris, vous lisez... cette table est à présent dans VOTRE esprit. Les livres sont les gardiens de ce sortilège. Chaque livre est
un grimoire, chaque livre est une magie. En voici un de cuisine, et déjà vos papilles s’affolent alors que vous n’avez rien à vous mettre sous la dent ; un autre est un thriller et votre rythme
cardiaque s’accélère alors que vous ne risquez rien depuis le fond de votre lit ; encore un qui fait état d’une injustice et vous êtes indigné, qui évoque une nuit d’amour et vous êtes
émoustillé, qui rapporte une situation cocasse et vous êtes amusé .
Des grimoires dont le potentiel ne s’usent jamais. Posez-le sur une étagère, ouvrez-le dans mille ans, sa richesse est intacte. Je le constate chaque jour en travaillant sur la matière
arthurienne médiévale. Et qu’est-ce qu’un salon du livre, d’autant plus celui de Guérande qui propose un panorama complet de l’édition bretonne, sinon un carrefour sur tous les possibles. Chaque
livre sur chacun de ses stands est une porte vers un ailleurs.
Bon voyage